tomme maison Deux tommes faites maison. Affinnée trois mois à gauche et dix mois à droite.

L’éthymologie du terme tomme ou tome n’est pas très claire et semble désigner une “sorte de fromage” à base de caillé. L’orthographe tomme ou tome est utilisée invariablement. En pratique la tomme est un fromage qui ne suit pas d’appellation (à l’exception de la tomme des Bauges). Elle est ronde, de taille moyenne et produit de manière artisanale, bien souvent en montagne. Ce fromage est fabriqué avec du lait de vache, brebis, chèvre ou bien un mélange. D’un point de vue poids, une tomme peut aller d’une centaine de grammes comme la tomme de Saint-Marcellin à quelques kilogrammes comme la tomme de Sospel (entre 9 et 12kg).

Cela veut dire que la tomme peut en fait avoir des aspects très différents suivant le type de lait, la région et les conditions d’affinage. La pâte peut être plus ou moins ferme, la croûte blanche, grise, marron, plus ou moins épaisse. La pâte peut présenter des petits yeux ou non etc. L’illustration ci-dessous montre divers exemples de tommes venant de différentes régions.

Exemples de tommes Exemples de tommes de différentes régions. On constate la variété de formes, et textures3.

Cette diversité de tommes est une bonne chose pour nous, apprentis fromagers. En effet, pas de trop grosse pression sur le résultat final puiqu’il n’y a pas une seule tomme possible ! Cela laisse donc un marge de manoeuvre assez grande et cela permet de faire sa propre tomme adaptée à son environnment. La recette de la tome fraîche pour l’aligot est disponible dans cet article. Je vous donne aussi la recette de l’aligot ici.

Je vous donne ici une recette, mais selon votre lait, vos ferments et surtout vos conditions d’affinage, votre résultat sera sûrement différent. Cette recette est largement inspirée de la recette de tomme alpine du livre de David Asher.

Ingrédients

Pour une tomme d’environ 700g :

  • 8 L de lait (idéalement du lait cru le plus frais possible, non homogénéisé)
  • ~80 mL de ferment clabber, kéfir, ou petit lait d’une précédente fournée de fromage, ou autre ferments
  • 3/4 comprimé de présure Walcoren, écrasé et dilué dans 30 mL d’eau froide non chlorée (pour diminuer le chlore de l’eau du robinet, secouez-la et laissez-la reposer)
  • ~8g de sel fin ou moulu (sans additif, le sel marin est pas mal)

Matériel

  • une grande marmite
  • une louche
  • moules à fromage (que vous pouvez fabriquer)
  • mousseline, tissu à fromage ou un tissu en coton ou lait fin
  • une grille et un plat ou un réceptacle pour le petit lait
  • un thermomètre
  • un fouet

Pour l’affinage

  • une grande boîte avec couvercle
  • natte de bois ou bambou (natte à sushis par exemple), ou planchette en bois brut non raboté (et non traîté !) etc.

Plus de détails sur le matériel.

Durée de préparation

  • ~2h pour la fermentation et coagulation
  • ~24h pour l’égouttage
  • ~24h pour salage et égouttage
  • 2 mois à 1 an pour l’affinage (selon vos goûts et les conditions de température)

Procédé

Les durées sont susceptibles de varier en fonction de vos ingrédients et de la température. Assurez-vous que votre matériel est propre (lavé au vinaigre blanc, rincé à grandes eaux et laissé sécher), et vos mains aussi !

0h -> ~2h, Température : ~32°C -> 40°C

1.Versez le lait dans la marmite et portez le à environ 32°C à feu doux. Ajoutez les ferments. Mélangez bien de haut en bas. Couvrez et laissez reposer 1h.

2.Ajoutez la présure. Mélangez bien à nouveau. Laissez reposer environ 1h. Faites attention à ne pas bouger la casserole, le caillé en formation est très fragile.

3.Le lait doit maintenant avoir coagulé, si vous bougez un peu la casserole il doit trembloter légèrement comme une panna cotta. Vérifiez que le caillé a bien pris avec le test de la boutonnière. Pour ce faire, plongez un doigt dans le caillé à 45 degrés et relevez le pour essayer de casser la surface. Si la surface fait une coupe franche et que du petit lait apparait c’est prêt ! Sinon attendez encore 10-15min et refaites le test. Si votre lait n’a pas caillé au bout de 3h votre lait est sûrement de mauvaise qualité ou votre présure est mal dosée ou périmée.

4.Une fois le caillé pris il est temps de passer à la découpe. Avec le fouet, casser le caillé en mélangeant et en faisant des mouvements de bas en haut. Les morceaux de caillé doivent avoir la taille de grains de café (voir photo ci-dessous). Une fois la bonne taille obtenue, mélanger à la spatule. Allumer le feu sous la casserole et réchauffer tout doucement pour atteindre environ 40°C, en continuant de mélanger. La chaleur va permettre d’augmenter l’extraction du petit lait du caillé. Pour savoir si le caillé est prêt à mouler, en prendre un peu dans la main et serrer. Les grains de caillés doivent rester collés entre eux. Un autre indicateur : quand on arrête de mélanger, le caillé retombe au fond au bout de quelques minutes.

5.Lorsque le caillé est prêt, couper le feu sous la casserole et laisser le caillé retomber pendant ~10min.

Caillé de tomme Coupe du caillé au fouet (à gauche). Aspect du caillé (milieu). Egouttage du caillé (à droite).

6.Extraire le petit lait avec une louche. Pour ne pas récupérer de grains de caillé dans la louche, vous pouvez utiliser une passoire ou un moule à fromage et écoper à l’intérieur. Le caillé doit maintenant avoir pris en masse au fond de la casserole (voir photo ci-dessus).

7.Préparer un moule (voir photo ci-dessous) avec une mousseline pour le moulage. Poser le moule sur une grille au-dessus d’un plat pour récupérer le petit lait (voir photo ci-dessous).

~+2h -> ~+14h, Température : température ambiante

8.Rassembler le caillé avec les mains pour former une masse. Presser un peu contre les bords de la casserole pour égoutter. Transférer le tout dans le moule (photo ci-dessous). Presser le caillé dans le fond avec les mains.

Moulage du caillé de tomme A droite, moule fabriqué avec un pot alimentaire en plastique (petits trous réalisés avec un tournevis). A gauche, caillé moulé dans une mousseline.

9.Retourner le fromage dans le moule au bout d’environ 1h ou lorsque le fromage est bien formé. Laisser égoutter pendant une nuit (ou environ 12h), à température ambiante. Retourner plusieur fois dans le moule si possible. Cela va permettre d’avoir un moulage uniforme.

Démoulage de la tomme Caillé démoulé. A gauche avant retournement, on voit que le dessus du fromage n’est pas très plat. A droite, après retournement, le fromage est bien lisse.

~+14h -> ~+24h, Température : température ambiante (~20°C)

10.Saler le fromage assez abondamment en le frottant avec les mains. Le déposer sur une natte ou grille fine pour que l’excédent de petit lait s’évacue bien. Laissez le égoutter environ 12h. Afin de créer des conditions assez humides et limiter l’asséchement du fromage, il est possible d’ajouter une boite par-dessus, comme sur la photo ci-dessous (attention que l’air circule tout de même). On peut constater que cela permet d’obtenir un taux d’humidité beaucoup plus important autour du fromage (ce qui est favorable pour les bactéries qui vont former la croûte). Une température autour de 15-20°C est assez idéale. Vous pouvez par exemple entrouvrir une fenêtre et laisser votre fromage à côté (comme sur la photo). S’il fait trop chaud chez vous, vous pouvez aussi utiliser des glaçons (ou des pains de glace) que vous mettez dans le plat par exemple. Soyez astucieux ! En dernier recours si vous ne pouvez pas diminuer la température, alors écourtez la durée à température ambiante.

Salage et égouttage de la tomme La tomme salée est déposée sur une natte au-dessus d’un plat pour récupérer l’excédent de petit lait. Une boîte en plastique est ajoutée par dessus pour conserver une humidité élevée (on peut lire 80% sur le capteur d’humidité).

~+24h -> ~+15 jours, Température : cave ou frigo (~7-12°C)

11.La croûte doit maintenant être relativement sèche, vous pouvez mettre votre fromage en condition d’affinage. Si vous avez une petite cave autour de 10-12°C c’est parfait. Sinon utilisez le haut de votre réfrigérateur qui devrait être autour de 7-8°C. Déposez le fromage sur un support en matière naturelle, si possible, comme une planchette en bois (non traîté !) ou une natte de bambou. Il faut éviter que le fromage soit à même la boîte pour ne pas prendre l’humidité. Posez un couvercle sur le dessus mais ne fermez pas la boîte, il faut que l’air circule un peu et que l’excédent d’humidité s’échappe.

12.Retournez le fromage régulièrement. Deux fois par jour les premiers jours puis espacez. Essuyez l’excédent d’eau formé dans la boite.

Tomme prête à affiner Tommes sur natte de bambou et sur planchette de bois brute prêtes pour l’affinage.

13.Au bout de quelques jours vous allez voir l’apparition de moisissures sur le fromage. Ces moisissures sont souvent des champignons (bleus comme le penicillium roqueforti, ou noir avec des poils comme le mucor) ou des levures (comme le Geotrichum Candidum qui forme un duvet blanc). C’est normal ! Selon la microbiologie de votre lait et votre environnement, certains micro-organismes vont être plus ou moins favorisés. On peut le voir sur la photo ci-dessous. Même chez moi, différents types de moisissures peuvent se développer lorsque je fais varier certains paramètres. Afin de ralentir leur propagation qui donnerait un goût trop fort au fromage, on va effectuer un lavage de la croûte avec un saumure légère.

Moisissures de la tomme Différents types de moisissures sur la tomme en début d’affinage (sur trois fabrications différentes). A gauche, le duvet soyeux et poudreux du Geotrichum Candidum (obtenu en 5 jours après salage). Au milieu, quelques patchs de poil de chat ou mucor (obtenus au bout de 2 jours après salage). A droite, un florilège de moisissures (10 jours après salage, 6 jours après lavage à la saumure) sûrement le résultat de ferments peu actifs et d’un lait pauvre biologiquement.

14.Pour la saumure, mélanger 5g de sel avec 100g d’eau (c’est une saumure à 5%). Prendre un linge propre et sec et le tremper dans la saumure. L’essorer puis retirer l’excédent de moisissures avec. Si le fromage est trop humide, l’essuyer avec un linge sec. Nettoyez aussi le support de votre fromage de la même façon ou changez en (il faut que le support soit sec). Deux lavages en début d’affinage doivent suffir.

Lavage de la tomme à la saumure Tommes de 15 jours avant et après lavage. Des conditions humides et fraiches ont favorisé le développement des moisissures bleues.

~+15 jours -> 2 mois et plus, Température : cave ou frigo (~7-12°C)

15.Vous pouvez maintenant laisser votre fromage faire sa vie tranquillement. Toutes les semaines jetez un oeil. Procédez éventuellement à un autre lavage si les moisissures se développent trop vite ou si celles-ci ne sont pas vraiment désirées. Il est aussi possible de simplement frotter le fromage avec une petite brosse. Attention aux poussières qui sont très fines, il est préférable d’utiliser un masque ou se couvrir le visage avec une écharpe.

16.Au bout de deux mois vous pouvez commencer à déguster votre tomme. Cela dépendra de votre patience et de votre goût. Attendre plus longtemps donnera des saveurs plus élaborées et subtiles, mais donnera aussi un fromage plus sec. Par ailleurs un fromage affiné très frais (comme au réfrigérateur) demandera plus de temps pour développer des arômes. Sur la première image au début de l’article vous pouvez voir deux tommes un peu différentes affinées 3 mois (à 12°C) et 10 mois (au réfrigérateur, ~6°C). Des moules différents ont été utilisés.

Références

[1]Tomme, éthymologie, wiktionary.org

[2]tomme ou tome, CNRTL

[3]Tommes, illustrations, www.degustation-fromages.com