Fabrication du yaourt Gauche: fabrication de yaourt avec un appareil chauffe liquide. Droite: mon yaourt maison, bien épais.

Faire son yaourt maison parait être une idée géniale au premier abord. C’est rigolo et ça fait plaisir de manger du fait maison. Mais comme toute recette maison cela demande du temps, et l’excitation des premières fois laisse souvent place au manque de motivation. Et après quelques mois, il n’est pas rare d’être à nouveau tenté de prendre un paquet tout fait au supermarché. Ne serait-il donc pas possible de simplifier la recette afin de pouvoir faire ses yaourts au quotidien et sur le long terme ?

En résumé je vois plusieurs freins à la fabrication de yaourts :

  1. pas vraiment envie d’acheter une yaourtière, un gadget de plus, et encombrant
  2. cela prend du temps de préparation (chauffer le lait, attendre qu’il refroidisse, il faut avoir du temps devant soi…)
  3. il faut tout un tas de contenants individuels, il faut les laver et les stocker

Dans cet article je vous propose une solution à ces trois problèmes:

  1. pas besoin de yaourtière, une yaourtière est just une grosse boite en plastique avec une résistance pour maintenir une température autour de 40°C. Il suffit de trouver un moyen de garder ses yaourts au chaud pendant quelques heures. Pour cela j’utilise mon chauffe-liquide à cuisson sous vide. Quoi ? Encore un gadget ? Pas de panique, on peut aussi faire sans, je vous explique plus bas. Je ne l’ai pas acheté exprès pour faire des yaourts mais j’ai trouvé qu’il pouvait aussi avoir cet usage. A noter cela dit que le chauffe-liquide présente l’avantage d’avoir de multiples usages (cuisson sous-vide par exemple) et permet de faire une grande quantité de yaourt comparé à une yaourtière (limitée souvent à 6 ots individuels)!
  2. je vous propose de ne pas chauffer le lait. Cela permet de gagner beaucoup de temps et de laver moins de vaisselle.
  3. pas besoin de contenants individuels ! J’utilise des gros bocaux en verre dans lequels il y aura plusieurs portions de yaourt. Ensuite on s’en sert dans des bols, comme avec les bocaux de fromage blanc ! Cela prend moins de place et il est plus facile de garder le pot à chaleur constance lors de la préparation (il y a plus d’inertie).

Qu’est-ce qu’un yaourt?

Mais avant de vous livrer la recette, essayons de comprendre ce que c’est qu’un yaourt. Un yaourt c’est tout simplement du lait fermenté grâce à des bactéries inoffensives pour l’homme et qui aiment la chaleur.

Dans un articles précédent je vous expliquais le principe de coagulation acide. Si vous laissez du lait cru à température ambiante pendant quelques jours vous verrez que celui-ci va devenir ferme, un peu comme une gelée, ou… comme un yaourt ! Les bactéries du lait mangent le lactose contenu dans le lait, ce qui augmente l’acidité du lait et entraine une modification des protéines du lait et leur agglomération (c’est un peu plus compliqué que cela en réalité mais c’est l’idée1). Le lait devient alors moins liquide et comme gélifié. Lors de la fabrication d’un yaourt c’est le même processus qui se produit, sauf que ce processus se produit avec un type particulier de bactéries qui aime être dans un environnement plutôt chaud. Ce sont des bactéries thermophiles (“qui aiment la chaleur”). Ces bactéries sont présentes dans le lait cru. Elle ont la caractéristique de coaguler le lait de manière assez efficace.

En France, pour utiliser l’appellation yaourt il faut nécessairement que le produit contienne au moins deux types de bactéries vivantes: Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus et Stretococcus thermophilus1. Ces bactéries ont été sélectionnées pour leurs propriétés d’acidification et d’épaississement du lait. Ces bactéries peuvent elles-même correspondre à des souches différentes. Suivant les souches, celles-ci ont des propriétés épaississantes plus ou moins importantes2,3. Cependant, si vous achetez des sachets de ferments dans le commerce, impossible de connaître la souche correspondante. De même lorsque vous achetez un yaourt. Si vous aimez un yaourt plus ou moins épais cela a son importance et vous allez peut-être devoir faire quelques expériences pour trouver le ferment qui vous convient.

Premier ferment

Pour démarrer un yaourt, il faut du yaourt ! Vraiment ? En théorie, si vous avez du lait cru, vous pouvez essayer de faire votre propre ferment de yaourt. C’est-à-dire sélectionner vous même ces sympathiques bactéries si propres au yaourt. Facile ? Non. Pour ma part mes essais ont jusqu’ici été assez infructueux. Peut-être serait-il possible d’isoler certaines souches de L. bulgaricus et S. thermophilus ayant des propriétés aromatiques particulières, mais cela demanderait beaucoup de recherche et de travail. Ce sera pour plus tard !

Alors pour démarrer votre premier yaourt je vous conseille tout simplement d’acheter un bon yaourt artisanal et d’en prélever une petite cuillère. Prenez un yaourt sans additif (avec pour seuls ingrédients du lait et les ferments sus-cités, c’est tout !) et dont vous aimez le goût et la consistance. Pas besoin d’acheter des ferments du commerce.

Recette avec chauffe-liquide à cuisson sous vide

Ingrédients

  • 1L de lait entier pasteurisé ou cru (s’il est cru, je vous conseille de le pasteuriser de manière douce et de le laisser refroidir à 40°C)
  • ~1 c.c. du yaourt de la fournée précédente

Matériel

  • une grande casserole
  • un chauffe-liquide à cuisson sous vide (si vous n’avez pas, allez à la section suivante)
  • un ou des bocaux en verre qui puisse se fermer hermétiquement

Durée de préparation

5 minutes puis ~10-12h d’attente. Vous pouvez démarrer la préparation avant de vous coucher et au réveil c’est prêt !

Procédé

Les durées sont ne sont pas strictes à une heure près. Si votre yaourt est ferme au bout de 5h et que le goût vous convient alors pas besoin d’attendre plus longtemps. Assurez-vous que votre matériel est bien propre (lavé au vinaigre blanc, rincé à grandes eaux et laissé sécher), et vos mains aussi !

  1. Remplissez la casserole d’eau tiède du robinet et réglez l’appareil chauffe-liquide pour conserver l’eau à 40°C pendant 10h.

  2. Mélangez votre ferment (ou yaourt) avec le lait. Répartissez dans vos contenants. Déposez les contenants dans la casserole. L’eau doit arriver en haut du pot ou à mi-hauteur. Les pots ne doivent pas flotter, il ne faut pas qu’ils bougent. Couvrez pour conserver la chaleur au mieux et utiliser le moins d’éléctricité.

  3. Environ 10-12h plus tard, le lait doit avoir coagulé. Mettez les pots au frigo et dégustez quand c’est froid !

Recette alternative sans chauffe-liquide

Ingrédients

  • 1L de lait entier pasteurisé (s’il est cru, je vous conseille de le pasteuriser de manière douce et de le laisser refroidir à 40°C)
  • ~1 c.c. du yaourt de la fournée précédente

Matériel

  • une grande casserole avec un fond épais (pour conserver une température plus constante et homogène), plus la casserole est grande plus longtemps elle gardera la chaleur
  • une grosse couverture ou équivalent pour enveloper la casserole et conserver sa chaleur
  • un thermomètre
  • un ou des bocaux en verre qui puisse se fermer hermétiquement

Durée de préparation

5 minutes puis ~10-12h d’attente. Vous pouvez démarrer la préparation avant de vous coucher et au réveil c’est prêt !

Procédé

Les durées sont ne sont pas strictes à une heure près. Si votre yaourt est ferme au bout de 5h et que le goût vous convient alors pas besoin d’aller plus loin. Assurez-vous que votre matériel est bien propre (lavé au vinaigre blanc, rincé à grandes eaux et laissé sécher), et vos mains aussi !

  1. Remplissez la casserole d’eau chaude, aux environs de 45°C.

  2. Mélangez votre ferment (ou yaourt) avec le lait. Répartissez dans vos contenants. Déposez les dans la casserole. L’eau doit arriver en haut du pot ou à mi-hauteur. Si vos pots sont bien hermétiques vous pouvez aussi les immerger. Enveloppez avec la couverture. Vous pouvez aussi place le tout dans le four avec la lumière allumée: Lq première fois vous pouvez vérifier la température de temps en temps pour vous assurer qu’elle ne descend pas trop vite. Sinon ajustez l’isolation.

  3. Environ 10-12h plus tard, le lait doit avoir coagulé. Mettez les pots au frigo et dégustez quand c’est froid !

FAQ

Pourquoi la plupart des recettes conseillent de chauffer le lait ?

Chauffer le lait permet de dégrader les protéines. Les protéines sont comme de long fils de molécules formés en pelotes. La chaleur délie ces pelotes. Les protéines peuvent alors se lier entre elles et former des réseaux, un peu comme un tricotage. Ce réseau rend alors le liquide moins liquide et donne cette aspect gélifié. Comme expliqué plus haut, la dégradation des protéines survient aussi grâce à l’acidification due aux bactéries. Chauffer n’est donc pas indispensable pour que le yaourt devienne épais ; même s’il y contribue.

Pourquoi certaines recettes mentionnent d’ajouter du lait en poudre ou des gélifiants ?

Ces ajouts ont pour but d’épaissir le yaourt. Ils permettent de compenser des ferments peu épaississants. Si vous préférez la texture avec ces ajouts c’est votre choix. Mais sachez qu’il est possible de faire un yaourt épais sans ces ajouts. Une option sans additif est de faire chauffer votre lait assez longtemps en le remuant pour faire évaporer une partie de l’eau. Mais encore une fois, ce n’est pas indispensable.

Mon yaourt est liquide, pourquoi ?

Il peut y avoir plusieurs raisons à cela :

  • les yaourts ont été remués (veillez à ne pas les bouger ou les bousculer)
  • votre ferment n’est pas en forme : changez de ferment ou renouvelez-le
  • la température n’a pas été correctement maintenue pendant assez longtemps (le yaourt doit normalement commencer à coaguler au bout de quelques heures).

Il y a du liquide au-dessus du yaourt, c’est quoi ?

C’est du petit lait et c’est très bon. C’est plein de protéines! Cela peut vouloir dire que la coagulation a duré trop longtemps. Réduisez le temps de coagulation si cela vous dérange.

Le yaourt est plein de bulles.

Alors là c’est un problème. D’autres bactéries ont contaminé le lait. Le lait était peut-être aussi trop vieux (voir exemple ci-dessous). Jetez ce yaourt et recommencez.

yaourt raté A gauche et au milieu, un exemple de yaourt raté. Le lait était trop vieux. Le même ferment utilisé avec un lait plus frais a donné un yaourt réussi (à droite).

Comment faire varier l’acidité ?

Vous l’aurez compris, plus les bactéries agissent et plus elles acidifient le yaourt. Autrement dit, plus vous les laissez agir à leur température de confort, plus elles se multiplient et plus elles rendent le yaourt acide. Si vous aimez les yaourts moins acides jouez alors sur la durée de coagulation, entre 5h et 12h.

Combien de temps puis-je le conserver ?

Grâce à la fermentation, le yaourt se conserve beaucoup plus longtemps que du lait. L’acidité générée par les bacteries lactiques empeche d’autres bacteries ou micro-organismes de proliferer. Ce phenomene est encore ralentit par la réfrigération. En théorie un yaourt peut se conserver environ un mois. En pratique, cela peut même être plus long. Tant que le yaourt n’a pas une odeur désagréable, que sa texture n’a pas changé et qu’il est bon au goût, aucun souci.

Que faire si je pars en vacances ?

Comme expliqué précédemment, le yaourt se conserve longtemps. Cela dit, si vous voulez faire une pause et conserver votre yaourt pour de futures fabrications vous pouvez toujours en congeler un peu. Vous pouvez faire quelques glacons de yaourt que vous pourrez converver environ un mois au congélateur. Vous pouvez tenter de pousser plus longtemps mais il est possible que vos bactéries soient endommagées par le froid. Utilisez ensuite un glaçon directement comme ferment pour démarrer votre yaourt.

Il est aussi possible de faire sécher du yaourt en l’étalant sur plaque et en le laissant quelques heures au chaud. Attention de ne pas dépasser ~40°C. Cela produit une poudre que vous pouvez conserver au frais. Je n’ai jamais essayé mais cela semble intéressant car cette poudre peut se conserver très longtemps.

Références

[1] Yaourt, Wikipedia

[2] Analysis of the exopolysaccharides produced by Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus NCFB 2772 grown in continuous culture on glucose and fructose, Grobben et al., 1997

[3] Comparison of the thickening properties of four Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus strains and physicochemical characterization of their exopolysaccharides, Petry et al., 2003